La Théorie des Contraintes : accélératrice du Lean et génératrice de croissance

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En concentrant les démarches de progrès Lean au bon endroit, la Théorie des Contraintes permet d'améliorer les performances plus rapidement. En identifiant ce qui limite les ventes, elle permet de renouer avec la croissance et d’éviter le processus de licenciement continu.

 Selon les propos de Philip Marris, Fondateur et Directeur Général de Marris Consulting, spécialiste de la Théorie des Contraintes et auteur du livre Le Management Par les Contraintes en gestion industrielle.[1]

 

La Théorie des Contraintes

     Parmi les principales démarches citées pour améliorer les performances des entreprises industrielles on trouve le Lean, le Six Sigma et la Théorie des Contraintes (Theory Of Constraints ou TOC en anglais). Cette dernière est la moins connue et la moins répandue. Cette école de pensée a été développée par Eliyahu Goldratt dans les années 70 et s'est fait connaître notamment à travers un roman bestseller vendu à plusieurs millions d'exemplaires : Le But [2]. Elle part du postulat que toutes les usines sont déséquilibrées. A tout moment il y a des ressources surchargées – les goulots ou contraintes – et des "non-goulots". Les règles de gestion doivent être repensées en conséquence.

 

Le Lean ou l'approche Toyota

     Pour éviter les confusions nous considérerons ici que le "Lean" est l'approche développée par Toyota[3]. Il s'agit d'une traque à long terme des mudas ou sources de gaspillages ; un processus d'amélioration continue alimenté par tous les collaborateurs. On recherche, sans concessions, une amélioration permanente du flux des produits. C’est LE modèle aujourd’hui, assez bien compris pour la production, souvent la cible des programmes d’amélioration…et parfois assez bien copié. Le volet recherche et développement des nouveaux produits est actuellement encore peu reproduit, ce qui est regrettable car c’est à notre sens une des grandes forces du « modèle » Toyota ; le monde achète leurs voitures autant pour leur conception (fiable) que pour la qualité de leurs productions. Pour conclure, il est choquant de voir que lorsque l’ex-premier mondial tente de copier Toyota c’est pour en faire un processus continu de licenciement, tandis que le modèle Toyota est un modèle de croissance et de plein emploi. Nous appelons cette démarche de réduction des effectifs, mise en œuvre avec des termes japonais, le « Mauvais Lean ».

 

TOC + Lean : un cocktail gagnant

     Quand Lean et Théorie des Contraintes sont combinés, les progrès s’avèrent beaucoup plus rapides et toujours associés à une dynamique de croissance sans laquelle les gains obtenus se transforment en pure réduction de coûts souvent assortie de licenciements. Le Lean chasse les gaspillages et la TOC identifie les contraintes sur lesquelles agir pour accroître le chiffre d'affaires. Ainsi la conjugaison des deux permet d’atteindre un cercle vertueux par lequel l’entreprise devient continuellement plus efficace en éliminant les dépenses ajoutées et génère simultanément de la charge supplémentaire pour les capacités dégagées par les améliorations de productivité.

 

Le TLS : TOC + Lean + Six Sigma

     La troisième approche du progrès permanent est le Six Sigma. Elle consiste à réduire les variabilités dans les process et elle est, en général, pratiquée à travers des experts labélisés (Green Belt, Master Black Belt). Elle peut elle aussi être utilement combinée avec les 2 autres. D’ailleurs on parle de plus en plus souvent d’une approche LSS ou Lean Six Sigma. On en arrive donc au TLS, la combinaison de la Théorie des Contraintes, du Lean Manufacturing et du Six Sigma[4]. Arrêtons les querelles de chapelles et recherchons plutôt la combinaison gagnante.

 

Un exemple concret

     Prenons l'exemple d'une unité de production de tôles en acier. L'usine est grande – plus de 1 000 personnes – et comprend plusieurs étapes de production : aciérie, coulée continue, laminage, traitements thermiques et de surface, découpe puis contrôles. Le cycle initial de production est de 30 jours.

Première étape : identifier le goulot et augmenter le Chiffre d'Affaires

     Dans un premier temps, l’analyse de l'usine doit permettre de localiser le ou les goulots. Dans ce type d'industrie de process, l'identification de la contrainte est facile car les encours s'accumulent devant les goulots. Dans le cas évoqué, il s'avère que ce sont les fours de traitement thermique qui sont les goulots : le chiffre d'affaires est donc déterminé par ces équipements. Il faut impérativement concentrer les efforts d’amélioration sur cette partie de la production.

     Ainsi, sans investir et en appliquant des solutions simples mais partagées, le débit des fours a été augmenté de plus de 20% :

  • amélioration de la maintenance curative et préventive de ces goulots en leur donnant la priorité par rapport aux autres équipements,

  • réduction du temps de changement de série en comprimant les temps de refroidissements par l’utilisation de "tôles martyres" froides (un SMED process en quelque sorte),

  • baisse du nombre de changements de série en revoyant les règles d’ordonnancement et en intégrant les séquences de passage sur ces fours dès la planification du moyen terme.

Deuxième étape : rythmer l’usine au "son" du goulot

     Ensuite les flux de l'usine doivent être mis sous contrôle et pilotés en fonction de la capacité des goulots, en suivant l'approche dite "Tambour - Tampon - Corde" (ou "Drum - Buffer - Rope" en anglais) :

  • Tambour : optimisation de l’ordonnancement des goulots pour maximiser leur production,

  • Tampons : mise en place d’un stock tampon devant ces ressources et seulement ces ressources afin qu’elles ne connaissent pas d’arrêt de production dû à la défaillance d’un équipement non-goulot (donc non critique) en amont, et mise en place d’un deuxième tampon avant les expéditions pour assurer le respect des délais,

  • Corde : adaptation en conséquence des règles de lancement en production en fonction du programme du goulot pour éviter l’accumulation d’en-cours inutiles.

Image représentative du principe DBR

Schéma : Le pilotage des flux selon la technique "Tambour – Tampon – Corde" de la Théorie des Contraintes

     En pratique, on constate que cette nouvelle gestion des flux permet de réduire de l'ordre de 50% les cycles et les encours. Dans le cas présenté, l’application du Management Par les Contraintes a fait passer les cycles de 30 jours à 15 jours, dont 6 d'attente dans le stock tampon situé devant les fours (les goulots).

Troisième étape : orienter les actions de progrès

     Une fois ce système en place, il est impératif d’observer en continu le contenu de ce stock de sécurité. Cela passe par l’identification des arrivées des lots de production les plus en retard, la recherche des causes associées et leur élimination. Appliquée à notre exemple, cette démarche a mis en évidence deux activités dont les dysfonctionnements généraient les plus forts retards sur le goulot. Il s'agissait :

  • d'une vieille machine à cisailler qui avait régulièrement des pannes de plusieurs jours,

  • d'échantillons qui se retrouvaient retardés lors des analyses dans le laboratoire métallurgique du fait de l'inexistence d'un rudiment de gestion des priorités.

     Ces points rapidement traités (en 3 semaines et pour un investissement de 9K€), le stock tampon a pu être réduit de 2 jours pour atteindre 4 jours. Mais surtout, en résolvant ces deux "petits problèmes secondaires", le cycle global de fabrication a également gagné 2 jours en passant de 15 à 13 jours. Ce processus d'amélioration continue, orienté par l'analyse du stock tampon, est ensuite régulièrement reproduit pour identifier et traiter les autres causes de retard.

     Ceci représente une facette peu connue de la Théorie des Contraintes : il ne faut nullement ignorer les "non-goulots" (qui sont peut-être 90% des ressources d’une usine !), mais les intégrer sous un angle innovant par rapport aux autres approches, en regardant non pas leur performance intrinsèque mais leur impact sur la performance globale de l'entreprise.

 

Focaliser les énergies et trouver de la croissance pour éviter les licenciements

     Tout cela met en évidence deux atouts clés de La Théorie des Contraintes et du Management Par les Contraintes : orienter les actions de progrès sur les éléments qui péjorent la performance globale du système permettant d'obtenir très rapidement des gains conséquents, et avoir une approche qui induit de la croissance, évitant ainsi le redoutable amalgame "le Lean est un processus de licenciement continu". Le Toyota Way est un modèle alimenté par de la croissance. Et peu d’industriels l’ont compris.

 

Une démarche applicable à tous les services de l’entreprise…là où se trouve la contrainte

     Dans le cas évoqué, il suffisait de produire plus pour vendre plus ce qui actuellement n'est pas le cas de la plupart des sociétés européennes. Toutefois, le raisonnement demeure le même si l'entreprise a un déficit de commande, mais l'analyse relève d'autres aspects de la Théorie des Contraintes appelés le "Throughput World" et les "Logical Thinking Process"[5]. Il se pourrait par exemple que l’entreprise se trouve dans la situation suivante : un manque de commandes parce que les produits n'intègrent pas les dernières modes ou fonctionnalités attendues par les clients.

     En regardant, non plus uniquement le processus de production, mais l’ensemble de l’entreprise, la Théorie des Contraintes va par exemple mettre en évidence l’existence d’un goulot au niveau du processus d'industrialisation et un engorgement de l'ingénierie. L’application de la démarche en 3 étapes présentée précédemment permettra de dégoulotter cette activité, de lancer plus rapidement de nouveaux produits … et d’augmenter les ventes.

     Une même approche pourrait être appliquée auprès des fonctions commerciales si elles présentaient un goulot, si l'efficacité commerciale déterminait les ventes.

Pour en savoir plus : Management par les contraintes ou les groupes de discussion TLS dans les réseaux Linkedin et Viadeo.

 

A propos de l'auteur

 

PMA

    Philip Marris est le Fondateur et Directeur Général de Marris Consulting, société de conseil en management focalisée sur les activités industrielles. Spécialiste du Management Par les Contraintes (MPC) / Théorie des Contraintes (TOC), Il est l’auteur de l’ouvrage de référence en français sur le sujet : Le Management Par les Contraintes en gestion industrielle. Philip Marris a été responsable de l'activité « Manufacturing » en France et en Europe au sein de grands Cabinets de Conseil comme Bossard Consultants, Gemini Consulting ou encore Cap Gemini Ernst & Young. Il dispose aujourd’hui d’une expérience de plus de 35ans dans le monde de l’industrie et du conseil. Homme de terrain, il a démarré sa carrière en 1982 en tant qu’ingénieur chez Vallourec dans l’Usine d’Aulnoye-Aymeries et a occupé les postes de Chef d’atelier, Chef de projet GPAO, Ingénieur Méthodes, SAV. Ingénieur, de nationalité anglaise, il passe aisément de la culture française à la culture anglo-saxonne.

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[1] Le Management Par les Contraintes de Philip Marris (Editions d'Organisation, 2000). Un "textbook" en Français qui décrit les principes de la Théorie des Contraintes appliquée à la gestion industrielle et expose comment en faire la mise en œuvre. Voir www.management-par-les-contraintes.com.

 [2] Le But : Un processus de progrès permanent de Eliyahu Goldratt (Editions AFNOR 2006). Ce « business novel » bestseller s'est vendu à plus de 10 millions d'exemplaires en plus de 30 langues. Time Magazine l’a définit en 2011 comme l’un des 25 livres les plus influents des temps modernes à coté de W. Edwards Deming et Taiichi Ohno.

 [3] De très nombreux ouvrages traitent de l'approche Toyota. Citons par exemple Le modèle Toyota de Jeffrey Liker (aux éditions Pearson Education France, 2006). Le livre est récent et exhaustif. C'est vraisemblablement l'ouvrage de référence du moment.

 [4] L’apparition de l’approche TLS est en générale attribuée à Reza M. (Russ) Pirasteh et son article écrit avec Kimberly S. Farah dans la revue de l’APICS en mai 2006 Continuous Improvement Trio : The top elements of TOC, Lean and Six Sigma make beautiful music together. C’est une étude de 211 projets d’amélioration dans 21 usines employant 45 000 personnes dans laquelle 89% des gains sont attribués au TLS par rapport aux approches Lean ou Six Sigma pratiquées de manière isolée. Voir aussi l’excellent roman Epiphanized de Bob Sproull et Bruce Nelson sortie aux Etats-Unis en février 2012.

 [5] Voir par exemple les livres de William Dettmer notamment The Logical Thinking Process, 2007.

A propos de Marris Consulting

Marris Consulting est une société de conseil et de formation spécialisée dans la théorie des contraintes (ToC) et le management de projet de la chaîne critique. Nous nous concentrons sur l'amélioration des performances des industries de production et de process en utilisant le management par les contraintes associé au Lean et Six Sigma. Pour booster la performance des projets, nous utilisons également le management de projet par la Chaîne Critique (CCPM), que nous combinons parfois avec le Lean Engineering. Nos diagnostics de performance sur 2 jours, nos services de conseil en performance et nos formations en management de projet, Lean, ToC & CCPM par nos consultants offrent une large gamme de solutions pour aider nos clients dans le monde entier à atteindre les niveaux de performance les plus élevés possibles.

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